A terme, le projet PERECUSO aspire à proposer de nouveaux modèles de traitement adaptés à la production cubaine de pommes de terre © Agroscope, Thomas Bucheli

Agriculture durable: la Suisse s’engage à l’international

AGFORWARD, Greenresilient et PERECUSO: autant de partenariats de recherche internationaux développant des pistes pour des pratiques agricoles plus respectueuses de l’environnement. La Suisse participe à ces trois initiatives par l’intermédiaire d’Agroscope, le centre de compétences de la Confédération pour la recherche agricole.

«Time for action»: tel est le slogan de la 25e Conférence des parties à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques, qui a lieu à Madrid du 2 au 13 décembre 2019. Chaque année, les États et organisations environnementales prenant part à ce congrès débattent des mesures à mettre en place pour contrer le réchauffement climatique. L’avenir de la planète ne préoccupe pas seulement le monde politique: Agroscope représente ainsi la Suisse au sein de différents partenariats de recherche internationaux encourageant une agriculture plus durable.

AGFORWARD: l’agroforesterie au service du climat

Associer des arbres à des champs cultivés ou à des pâturages: cela a un nom, l’agroforesterie. Au cours des derniers siècles, ce mode de gestion agricole consistant à planter des arbres aux abords des parcelles a été petit à petit remplacé par l’agriculture intensive. Aujourd’hui, ce système agricole fait progressivement son retour en Europe: arbres fruitiers sauvages et cultures de céréales sont ainsi combinés pour la production de bois précieux, et des noyers sont plantés dans les élevages de poules en plein air.

43% des émissions de gaz à effet de serre causées par l’agriculture en Europe pourraient être compensées si 9% des surfaces agricoles étaient converties à l’agroforesterie © Agroscope, Gabriela Brändle
43% des émissions de gaz à effet de serre causées par l’agriculture en Europe pourraient être compensées si 9% des surfaces agricoles étaient converties à l’agroforesterie © Agroscope, Gabriela Brändle

 

En plus d’encourager la biodiversité animale et d’offrir un large éventail de denrées commercialisables, l’agroforesterie contribue à la protection de l’environnement. En effet, si 9% des surfaces agricoles étaient converties à l’agroforesterie, 43% des émissions de gaz à effet de serre causées par l’agriculture en Europe pourraient être compensées. Ce constat a été émis par des chercheurs d’Agroscope en collaboration avec leurs partenaires d’AGFORWARD, programme impliquant 112 scientifiques de 17 pays européens.

«Les arbres absorbent le carbone et permettent de prévenir aussi bien l’érosion des sols que la fuite de nitrates contenus dans la terre», détaille la chercheuse d’Agroscope Sonja Kay, membre de l’équipe suisse d’AGFORWARD. «Ainsi, ciblée sur les zones agricoles à forte pression écologique, l’agroforesterie a un grand rôle à jouer dans la réalisation des objectifs climatiques et environnementaux, tant au niveau européen que mondial», conclut la spécialiste.

Greenresilient: cultiver des légumes bio dans des serres écologiques

Bien souvent, cultiver des légumes sous serre coûte cher en éclairage et en chauffage et nécessite l’emploi de pesticides. Avec Greenresilient, la culture maraîchère sous serre n’est pas l’obstacle à une agriculture durable, mais la solution. Douze centres de recherche contribuent à ce partenariat européen, dont Agroscope, par l’intermédiaire de l’équipe de Cédric Camps à Conthey (Valais).

«Ce programme de recherche a pour but d’encourager des pratiques maraîchères sous serre écologiques mais aussi économiquement viables», explique Cédric Camps. À Conthey, Agroscope gère ainsi l’un des cinq sites expérimentaux de Greenresilient. Concrètement, des essais de rotation culturale sont effectués par les chercheurs suisses: à la mi-automne, des légumes-feuilles comme la salade sont mis en serre. À l’arrivée du printemps, ce sont d’autres cultures maraîchères plus rentables qui viennent remplir la serre, telles que la tomate et le melon.

Dans le cadre du projet de recherche Greenresilient sont associées des espèces végétales complémentaires : cela permet d’exploiter au mieux les nutriments contenus dans le sol et de lutter contre les ravageurs © Greenresilient
Dans le cadre du projet de recherche Greenresilient sont associées des espèces végétales complémentaires : cela permet d’exploiter au mieux les nutriments contenus dans le sol et de lutter contre les ravageurs © Greenresilient

 

À côté de ces lignées de fruits et de légumes se trouvent d’autres espèces de plantes, notamment des bandes fleuries. «Chaque serre est un écosystème à l’intérieur duquel la biodiversité est encouragée», continue Cédric Camps. En bordure des plates-bandes maraîchères poussent ainsi des soucis aux fleurs jaune orangé, hébergeant de petites punaises nommées Macrolophus, friandes de la mouche blanche, un ravageur des tomates. Association d’espèces végétales complémentaires, lutte biologique à l’aide d’insectes auxiliaires ou encore rotation culturale : à terme, Greenresilient aspire à offrir des stratégies de production applicables aussi bien au sein de petites exploitations pratiquant la vente directe que dans de grands domaines maraîchers.

PERECUSO: zoom sur la production cubaine de pommes de terre

Après des céréales comme le blé et le riz, la pomme de terre est la denrée alimentaire la plus consommée au niveau mondial. Apprécié pour sa productivité et sa capacité à s’adapter à des climats variés, ce tubercule riche en glucides a été recommandé par l’Organisation des Nations Unies comme culture destinée à assurer la sécurité alimentaire. La production de pommes de terre implique souvent le recours à des pesticides afin de lutter contre de nombreuses maladies des plantes, des animaux ravageurs et des mauvaises herbes. Bien que l’impact de ces traitements phytosanitaires sur les sols des pays à climat tempéré comme la Suisse ait été beaucoup étudié, l’on en sait moins sur l’état des terres dans les régions tropicales.

Agroscope et le centre national cubain de santé agricole (CENSA) analysent l’influence de différents pesticides employés pour la culture de pommes de terre sur la qualité des sols © Agroscope, Thomas Bucheli
Agroscope et le centre national cubain de santé agricole (CENSA) analysent l’influence de différents pesticides employés pour la culture de pommes de terre sur la qualité des sols © Agroscope, Thomas Bucheli

 

À Cuba, des chercheurs se sont emparés de cette question dans le cadre d’un partenariat entre Agroscope et le centre national de santé agricole (CENSA). «L’idée du programme de recherche PERECUSO est d’analyser l’influence de différents pesticides employés pour la culture de pommes de terre sur la qualité des sols cubains», précise Isabella Hilber Schöb, collaboratrice d’Agroscope.

À l’aide d’anciens registres agricoles cubains mentionnant la composition et la date d’application des produits phytosanitaires, l’équipe binationale évalue la capacité de dégradation des substances dont elle observe des résidus dans le sol. «Cela doit nous permettre d’élaborer de nouveaux modèles de traitement adaptés au climat cubain et limitant les résidus de pesticides», poursuit Isabella Hilber Schöb. Ces données seront ensuite complétées par des informations compilées par Agroscope dans le cadre d’un monitoring des résidus de produits phytosanitaires dans les sols helvétiques. Des pommes de terre de bonne qualité nutritive poussant dans des sols sains: PERECUSO contribue ainsi à la réalisation de plusieurs objectifs de l’Agenda 2030 de développement durable, comme la sécurité alimentaire et la préservation de l’environnement.