Les lacs suisses pour lutter contre le changement climatique
Absorbant et stockant la chaleur du soleil, les eaux de surface des lacs suisses renferment d’importantes quantités d’énergie thermique, qui peuvent être récupérées et utilisées à des fins de chauffage. Parallèlement, l’eau des lacs peut aussi servir d’agent de refroidissement.
En Suisse, il existe 35 installations de chauffage et de refroidissement fonctionnant avec de l’eau des lacs. Elles permettent d’éviter la combustion d’agents énergétiques fossiles contribuant au changement climatique. L’une, en Suisse romande, sert à chauffer des logements. L’autre, au Tessin, refroidit le plus gros superordinateur d’Europe et produit de l’électricité verte.
Un lac pour chauffer 3000 foyers
La plus grande pompe à chaleur de Suisse est entrée en service en 2015. Située dans la petite localité romande de La Tour-de-Peilz, sur les rives du lac Léman, elle est suffisamment puissante pour chauffer 3000 foyers. L’installation n’est pas facile à localiser et passe inaperçue, car à la manière d’un iceberg, elle est en bonne partie sous la surface. Et c’est bien 70 mètres sous le niveau du sol que tout commence.
L’eau entre à ce niveau, avant d’être transportée dans de grosses canalisations jusqu’à l’étage supérieur, où l’attendent une série d’échangeurs thermiques. L’eau chaude résultant de cette première étape est alors aspirée au niveau suivant, où elle est propulsée sous la route pour être acheminée vers les bâtiments raccordés au système. Alors, la magie peut enfin opérer sous l’action des pompes à chaleur individuelles dans les habitations, qui fournissent l’eau chaude destinée au chauffage et aux installations sanitaires.
Du lac au chauffage domestique en trois étapes
Le système est composé de trois éléments. Le premier pompe continuellement l’eau du lac, qui cède environ trois degrés à un échangeur thermique avant d’être rejetée, plus froide, dans le lac Léman. Le deuxième élément est un système fermé qui fait circuler l’eau réchauffée à l’étape précédente dans le circuit de distribution reliant la station aux bâtiments raccordés. Les pompes à chaleur installées dans ces bâtiments forment la troisième partie du système. Elles extraient et compressent la chaleur de l’eau (chaude) avant de renvoyer le liquide (froid) à l’installation de pompage, où l’eau sera à nouveau chauffée par les échangeurs thermiques.
Réduire les émissions de CO2 en Suisse
Lors de sa captation dans le lac, l’eau a une température constante d’environ 6 degrés. Les échangeurs de chaleur prélèvent 3 degrés avant de la rejeter dans le Léman. Comme les pompes et les filtres, ils sont électriques. Le système amplifie efficacement l’énergie. Chaque watt d’électricité utilisé pour alimenter les pompes et les échangeurs de chaleur produit en effet 3 à 4 watts d’énergie de chauffage.
Lorsqu’elle fonctionne à pleine capacité, c’est-à-dire en pompant 3600 mètres cubes d’eau à l’heure, l’installation est capable de produire 35 millions de kilowatts-heure d’énergie par année, ce qui correspond à l’énergie consommée annuellement par quelque 3000 foyers. Ce faisant, elle pourrait réduire de 10 000 tonnes la quantité d’équivalent CO2 émise par an.
Un lac pour refroidir un superordinateur
« Piz Daint », le superordinateur le plus puissant d’Europe dont la puissance de calcul se chiffre à 19,6 pétaflops, se trouve à l’autre bout du pays à Lugano, dans le canton italophone du Tessin. Ce sont des serveurs comme celui qui composent le « Piz Daint » qui font fonctionner l’Internet. Géré par le Centre suisse de calcul scientifique (CSCS), ce monstre est utilisé par de nombreuses institutions dont par exemple le service météorologique suisse pour élaborer des modèles climatologiques, l’Institut suisse de physique des particules et le Human Brain Project.
Afin d’éviter que les éléments des ordinateurs ne fondent sous l’effet de la chaleur, « Piz Daint » est refroidi par un système électrique, mais également par plus de 7600 litres d’eau par seconde, pompés dans le lac de Lugano tout proche. L’utilisation d’eau froide du lac réduit significativement la consommation globale d’électricité de l’installation. Captée à 45 m de profondeur, l’eau a une température d’environ 6 degrés et parcourt 2,8 kilomètres jusqu’au CSCS, situé 30 mètres au-dessus du lac.
Des micro-turbines pour extraire l’énergie
L’eau froide du lac, dont la température oscille entre 8 et 9 degrés lorsqu’elle arrive au centre de calcul, est récupérée au moyen des échangeurs thermiques pour refroidir l’ordinateur géant. De là, l’eau est acheminée dans un bassin de tranquillisation, un réservoir destiné à diminuer la turbulence de l’eau avant qu’elle ne retourne dans le lac. Le concept général de l’installation comportes deux micro-turbines entre le lac et le bassin de tranquillisation, situé à 30 mètres au-dessus de celui-ci. Lorsque l’eau s’écoule vers le lac, ces micro-turbines produisent de l’électricité qui alimente les pompes et couvre environ un tiers de leur consommation d’énergie.
En bout de parcours, l’eau rejetée dans le lac ne doit pas dépasser la température de 25 degrés, pour des raisons écologiques et les risques de mettre en danger certaines espèces de poissons.