Walter Boveri: pionnier de l’industrie et créateur d’entreprise
A la fin du 19ème siècle, l’âge d’or de l’électrotechnique ne fait que commencer et Walter Boveri, ingénieur en génie mécanique visionnaire, en est convaincu: l’époque moderne affamée d’énergie, les villes en plein essor et les usines ont grand besoin d’électricité. Et il est l’homme en mesure de la leur fournir. En fondant Brown Boveri & Cie (BBC) à Baden, alors en rase campagne, il va permettre à l’industrie suisse de faire un énorme pas en avant.
Pendant la journée, le jeune Allemand travaillait comme responsable du service de montage de la fabrique de machines Oerlikon, près de Zurich. Le soir et le week-end, il préparait la création de sa propre entreprise. Walter Boveri (1865-1924), originaire de Bamberg en Allemagne, formé à l’académie royale de génie mécanique de Nuremberg, savait en effet que l’avenir passerait forcément par l’électrification des foyers, de l’industrie et des infrastructures de transport. Sa nouvelle usine devait donc produire tout le matériel nécessaire – générateurs, transformateurs, turbines, lignes et tableaux électriques – à la production et à la distribution de l’électricité, aussi sur de longues distances.
Le génie et le commerçant
Walter Boveri partageait son rêve avec Charles E. L. Brown, son supérieur chez Oerlikon, de seulement deux ans son aîné, électrotechnicien et constructeur de génie. Les deux hommes se complétaient à merveille, la sensibilité économique de l’un servant la créativité de l’autre et inversement. Ou, pour reprendre les termes de Walter Boveri Junior, né en 1894 et futur chef de l’entreprise:
Alors que Charles Brown imaginait la construction de chacune de ses machines, mon père entrevoyait les différentes utilisations possibles au service de la société humaine
Les deux hommes bouillonnaient d’idées, possédaient le savoir-faire nécessaire, mais manquaient d’argent. Concrètement, leur jeune entreprise avait besoin d’un demi-million de francs suisses pour démarrer. Walter Boveri s’était employé à écrire à des banquiers de toute l’Europe, mais n’avait reçu que des réponses négatives. En 1890, il rencontra l’industriel de la soie Conrad Baumann. Ce Zurichois trouvait le jeune entrepreneur très sympathique. À la tête d’une grande fortune, il avait aussi une fille célibataire âgée de 25 ans. Walter Boveri se fiança à Victoire, avant de l’épouser et de recevoir la somme nécessaire de son beau-père. L’histoire est exemplaire: un secteur d’activité sur le déclin, la fabrication de la soie, ouvrait la voie à un avenir technologique brillant!
La province sous tension
La prochaine étape fut, pour Walter Boveri, de dénicher un site adéquat. Il finit par trouver son bonheur à la campagne, à Baden, où le terrain et la main d’œuvre étaient meilleur marché que dans les centres industriels urbains en plein essor. Bien que les halles de l’usine soient encore en construction, les carnets de commandes commencèrent rapidement à se remplir. Le 2 octobre 1891, la société en commandite Brown, Boveri & Cie fut inscrite au registre du commerce du canton d’Argovie. Quatre mois plus tard, 100 ouvriers et 24 employés de bureau se mettaient au travail. Dès lors, des entreprises artisanales, des foyers et des établissements thermaux situés à proximité immédiate de la société furent raccordés au réseau électrique: Baden se mit à briller et à bourdonner de toutes parts.
Une époque à la croisée des chemins
Le reste appartient à l’histoire industrielle. Rares sont les entreprises dont le nom est aussi étroitement lié à la place industrielle suisse que celui de BBC. La graine plantée dans la campagne de Baden s’est transformée en géant en constante expansion, jouissant d’une énorme renommée mondiale.
Lorsque, dans les années 1980, la fin de l’ère de la construction mécanique se dessine à l’horizon, une réorientation vers l’automatisation et la numérisation devint une question de survie: l’entreprise BBC fusionna alors avec l’entreprise d’électrotechnique suédoise ASEA pour donner naissance à ABB. Cette étape marque le début d’une nouvelle ère. L’esprit pionnier du temps de Walter Boveri n’a cependant pas disparu. L’entreprise s’est appropriée le slogan «Let’s write the future» pour relever les défis de la quatrième révolution industrielle.