Un Suisse décroche la première place au championnat du monde des chocolatiers
Pour Elias Läderach, la création chocolatière est bien plus que la sublimation du goût. L’art et l’innovation doivent aussi avoir toute leur place : du design au savoir-faire artisanal en passant par les expérimentations gustatives. Elias se remet sans cesse en question et revisite les classiques avec une créativité renouvelée. En remportant la finale des « World Chocolate Masters » à Paris, il a prouvé que le chocolat suisse peut également poser de nouveaux jalons en matière d’innovation.
Le concours des 20 meilleurs artisans chocolatiers était placé sous le thème « Futropolis ». Les participants étaient mis au défi d’imaginer les grandes villes du futur, les mégalopoles, des espaces urbains où la gastronomie rencontre l’art et le design et où la durabilité est un impératif absolu. Elias Läderach a été dès le début emballé par le thème de la compétition. Il a su exprimer avec une grande créativité ses idées d’association entre architecture moderne et nature dans ses œuvres d’art en chocolat. C’est aussi grâce à sa force de caractère – et, certainement, à son amour de la nature – qu’il a pu grimper sur la plus haute marche du podium.
Les lapins de Pâques du grand-père
Les «World Chocolate Masters», organisés par le producteur français de chocolat Cacao Barry, ont eu lieu cette année pour la septième fois. Les 20 compétiteurs venus du monde entier étaient les vainqueurs des sélections nationales qui s’étaient tenues auparavant dans les différents pays. Le jury était composé d’expertes et d’experts du monde de la pâtisserie et du chocolat, issus des 20 pays participants. Elias Läderach est le premier chocolatier suisse à monter sur la plus haute marche de ce prestigieux concours.
Il est issu d’une famille de chocolatiers. Son grand-père, Rudolf Läderach, a fondé en 1962 la chocolaterie Läderach dans le canton de Glaris. Il avait bien sûr le métier de chocolatier un peu dans le sang, dit Elias, mais au départ il voulait choisir une tout autre profession. « Quand j’étais petit, je voulais d’abord devenir garde forestier, puis garde-chasse, parce que j’aime beaucoup les animaux et la nature. » Peut-être aurait-il même choisi cette voie s’il n’y avait pas eu les lapins de Pâques de son grand-père. « Nous avons eu très tôt le droit de confectionner des lapins de Pâques avec notre grand-père et parfois nous avons fait de la pâtisserie avec lui. » Elias adorait préparer des lapins de Pâques. « Lorsque notre grand-père se lançait dans de telles activités avec nous, les enfants, nous étions aux anges. » Le père d’Elias emmena lui aussi très tôt ses six enfants à la chocolaterie. « Cela a éveillé ma curiosité et mon enthousiasme. »
Après avoir obtenu son diplôme de pâtissier confiseur, il a travaillé chez des confiseurs réputés de Suisse romande ainsi que dans le développement de produits chez Läderach. Parallèlement, il a suivi une formation en gestion d’entreprise. Aujourd’hui, ce trentenaire est membre de la direction de l’entreprise familiale et dirige les départements d’innovation et de production.
Créativité et solide savoir-faire
Sa capacité à concrétiser sa créativité sans se laisser décontenancer par la pression du concours, Elias l’a déjà démontrée en 2008, lorsqu’il a décroché la médaille de bronze au « World Pastry Team Championship » à Nashville (États-Unis) avec l’équipe nationale suisse. Mais sa grande passion a toujours été la création chocolatière. En septembre 2017, Elias a gagné la finale des « Swiss Chocolate Masters » et donc son ticket pour les « World Chocolate Masters » à Paris. « C’est ce que j’ai toujours voulu faire », dit Elias au sujet de sa participation au championnat du monde des artisans chocolatiers. « Mais je savais aussi, que cela me demanderait d’énormes efforts. À Paris, le niveau est extrêmement élevé. » Le chocolatier s’est préparé de manière intensive à ce concours pendant toute une année : pour les pièces d’exposition, il a esquissé des idées sur papier ; pour les produits destinés à la dégustation, il a expérimenté diverses combinaisons gustatives et concocté des recettes. Un travail qu'il a réalisé en interaction étroite avec son équipe et sa femme, qui fait de la peinture. « À la fin, il ne s’agit plus que de s’exercer encore et encore pour être capable de tout faire dans les temps, en respectant les critères quantitatifs et qualitatifs. »
Pendant les trois jours du concours, les compétiteurs ont dû créer, sous de fortes contraintes de temps, deux pièces d’exposition ainsi que plusieurs produits à déguster, dont un dessert, un praliné et une tablette de chocolat. Et tout cela sur place et en direct, sous le regard très vigilant du jury et au milieu des caméras. « Il faut bien sûr avoir les nerfs solides. Et faire preuve de patience et d’ambition pour participer à ces épreuves et se classer le mieux possible. »
Dans son interprétation du thème « Futropolis », Elias a choisi la symbiose entre architecture et nature comme fil rouge. Pour ses créations de concours, il a utilisé entre autres le modèle de Voronoi. « C’est pour moi un motif très architectural, mais il est largement répandu dans la nature », explique Elias au sujet du motif en filigrane que l’on peut voir sur la robe d’une girafe ou, en y regardant de plus près, sur les ailes d’insectes ou sur des feuilles. Il est pour moi le symbole par excellence de la symbiose entre nature et architecture. » Sa grande pièce d’exposition est d’ailleurs une véritable œuvre d’art : elle montre une panthère dans le « cercle de la vie », qui représente la création et la nature. À côté d’elle, un bâtiment arrondi s’élance en hauteur avec, sur la façade, le portrait d’une femme. La femme et la panthère se regardent. « Il y a une certaine tension dans l’air. Et là, une question s’impose à moi : comment faire cohabiter à l’avenir la nature et ces mégalopoles ? »
Tout simplement excellent
Dans ses créations gustatives, Elias a misé lors du concours sur des combinaisons de saveurs traditionnelles et exotiques. Par exemple, son praliné en ganache classique était agrémenté d’un coulis mandarine-citronnelle. Mais cet art de la fusion suit également une tendance à des créations gustatives claires, dit Elias. « Je pense que les gens veulent à nouveau manger des choses simples qu’ils comprennent, mais qui soient aussi extrêmement subtiles. » Les gâteaux avec dix fourrages différents n’ont plus la cote. Les consommateurs et consommatrices de chocolat préfèrent aujourd’hui se limiter à deux ou trois saveurs claires, mais exigent en revanche une incroyable subtilité gustative », explique Elias. Ce principe, qu’il qualifie de retour à la simplicité, il a voulu l’appliquer au concours, même si les exigences en termes de créations gustatives y étaient un peu plus complexes. « Je crois que c’était mon secret. »
Lorsqu’Elias a des envies de chocolat, il mange de préférence du chocolat frais de Läderach, des « FrischSchoggi » à base de chocolat au lait et de noisettes caramélisées. En tant que chocolatier, il fait aussi au quotidien des essais avec des combinaisons gustatives exotiques, par exemple pour le « FrischSchoggi » à la fraise et au poivre. L’innovation, pour Elias, c’est se remettre constamment en question. « Nous ne pouvons pas modifier complètement certaines recettes classiques, mais nous pouvons les revisiter, les réinterpréter et les présenter différemment. »