La fondue suisse labellisée Gault&Millau
Le seul produit suisse labellisé Gault&Millau est une fondue composée de trois fromages.
Si le fromage fait partie des clichés suisses, il est aussi considéré comme un produit de la gastronomie. Un mélange fribourgo-valaisan pour fondue a séduit les experts de Gault&Millau. Voici l’histoire de deux fromagers devenus amis et associés.
Leur parcours
«Je suis tombé dans le caquelon, quand j’avais cinq ans déjà», se remémore gaiement Eddy Baillifard, dont le grand-père avait une exploitation agricole. Il passe son enfance avec les vaches entre le mayen et l’alpage. «J’étais un amoureux des vaches avant d’être un amoureux du fromage», plaisante-t-il. Après un apprentissage de monteur-électricien, le Bagnard se forme dans le fromage. Il reprend ensuite la laiterie de son village de Bruson, où il fabrique son fromage jusqu’en 2012. Aujourd’hui Eddy Baillifard est surnommé le roi de la raclette et gère un restaurant à raclette avec sa femme, toujours dans le même village.
Fils et petit-fils de paysan, William Wyssmüller baigne lui aussi dans le monde rural depuis toujours du côté de Fribourg. Il effectue son apprentissage à la laiterie de Vuadens en Gruyères, mais c’est à 21 ans, en fréquentant l’école de fromagerie de Granges-Neuve, qu’il se découvre une vocation pour le fromage. «J’ai toujours aimé voir la transformation du lait, toutes les étapes qui l’amène à se transformer en gruyère ou en vacherin. Mais la révélation est arrivée quand j’ai appris la chimie et la gestion, c’est à ce moment que j’ai compris que je pourrais développer toutes mes compétences dans cette branche», confie le Fribourgeois. À 25 ans, il reprend la fromagerie du village et la remet sur pied. Il se consacre actuellement au développement de sa marque de fondue.
Leur rencontre
Les deux hommes se connaissent de réputation mais c’est en 2012, en Valais, alors que tous deux servent leurs produits, qu’ils se serrent la main pour la première fois. Après quelques échanges sur les réseaux sociaux, ils se revoient en Gruyère. C’est lors de cette rencontre que leur collaboration s’esquisse. «À cette époque, j’avais repris la laiterie du village voisin et ma production est passée du simple au double. Je me faisais du souci pour ce surplus de fromage et c’est là que William m’a proposé de l’utiliser en fondue. Je me suis dit qu’il était tombé sur le cône de vouloir faire de la fondue avec du fromage à raclette», se souvient Eddy Baillifard. «Pour faire de la gastronomie, il faut parfois oublier ce qu’on sait», explique William Wyssmüller. «J’ai demandé à Eddy de m’apporter son fromage et j’ai fait des tests. J’ai comparé sa fonte à celle du Gruyère et du Vacherin. La meilleure combinaison est d’associer un Bagnes de sept mois aux deux autres. Nous avons fait goûter le mélange à notre réseau et il a plu. À partir de là, notre collaboration a commencé.»
Leur produit commun
La production annuelle de cette fondue fribourgo-valaisanne est de trente tonnes (dix tonnes pour chacun des trois fromages). Le mélange contient un Gruyère de douze mois, un Vacherin de cinq mois au moins et un Bagnes de sept mois. Leurs fondues sont vendues directement par les deux hommes ainsi que par les deux principales coopératives du pays.
Leur distinction Gault&Millau
«Je cherchais à faire passer un message de gastronomie autour de la fondue et je me suis intéressé aux tendances sur les réseaux sociaux. C’est là que j’ai découvert que Gault&Millau valorisait aussi les produits gourmets du terroir», raconte William Wyssmüller. «Avec l’accord de mon associé, j’ai approché la marque en 2016. Ils ont accepté de déguster et d’évaluer notre produit». La rencontre se déroule à Nyon, près de Genève. «C’était stressant. Les experts ont dégusté le fromage à la cuillère, en se concentrant sur les arômes et les goûts. Ils ont identifié le goût de noisette de notre mélange», atteste fièrement le Fribourgeois. La marque accepte alors d’intégrer leur fondue à sa gamme du terroir. La fondue Baillifard-Wyssmüller devient le premier et le seul produit suisse certifié Gault&Millau. «La démarche était proactive et audacieuse mais cette distinction est la cerise sur le gâteau de notre collaboration», conclut William Wyssmüller.
Leurs critères pour un bon fromage
«Pour moi, il est fabriqué à base de lait cru, sans traitement thermique», dévoile Eddy Baillifard. «En Suisse, on a de la chance, la certification AOP garantit un travail respectueux des animaux et de l’environnement». Selon le Valaisan, un fromage affiné a un goût plus affirmé et plus agréable qu’un fromage à pâte molle. Fidèle à sa réputation de roi de la raclette, il apprécie particulièrement le Bagnes «onctueux, crémeux, avec un goût de fruité et de noisette, qui ne fait pas d’huile ni de grumeaux en fondant».
Pour William Wyssmüller, le goût, les arômes, et l’affinage sont primordiaux. «C’est avec la maturité que les fromages au lait cru font la différence. Un Gruyère doit avoir douze mois pour être bon, un Bagnes au moins quatre mois. Le goût en bouche ne trompe pas quand c’est bon», raconte le Fribourgeois. «Notre rôle en tant qu’artisans du fromage est de produire de la qualité pour permettre aux gens de découvrir, d’apprécier et de reconnaître les bons produits».